Acre (Ar. Akka), l’une des plus belles villes du Moyen-Orient, est devenue le terrain d’une guerre d’usure menée par des institutions étatiques, des associations de colons et de gentrificateurs contre les habitants palestiniens de la ville. La reconnaissance de la vieille ville d’Acre comme patrimoine mondial par l’UNESCO ne protège pas ses habitants de la pauvreté et de la misère, de même qu’elle ne leur fournit pas d’immunité face à l'expropriation. Au contraire : cette reconnaissance ouvre des opportunités aux investisseurs et une conjoncture favorable pour des colons nationalistes.

Les membres de Yéchivat Hesder1 ont célébré en juillet 2011 l’inauguration de leur luxueux bâtiment à Akka (Acre). Silvan Shalom, vice-Premier ministre israélien et ministre du développement du Néguev et de la Galilée, leur a envoyé ses félicitations : « La fondation de cette Yéchiva (école talmudique), dit-il, renforce la mission de judaïsation de la Galilée, et il n’y a pas de honte à le dire. Nous voulons que des juifs viennent vivre dans la Galilée comme dans le Néguev, et vous m’aidez à réaliser ce projet auquel je crois».2 « Il y a déjà en Galilée une majorité de non-juifs », avait-il déclaré dans un entretien radiophonique quelques mois auparavant.

Le ministre Shalom n’a pas laissé de doute : aux yeux du gouvernement israélien, les citoyens palestiniens du Néguev et de Galilée représentent un danger. Pour y faire face, il faut investir et attribuer des ressources afin d’installer des juifs dans la région. Cette démarche du gouvernement trouve des alliés locaux qui font le boulot sur le terrain. Parmi eux des colons venant des territoires occupés et qui se réinstallent dans les « villes mixtes » israéliennes, des maires qui pensent que l’on peut résoudre la pauvreté en remplaçant les pauvres par une « population forte » et qui n’hésitent pas à inciter à la haine et au racisme pour promouvoir leurs intérêts, et des « bobos gentrificateurs » qui cherchent simplement à promouvoir leurs affaires et « développer » la ville. Acre se trouve au cœur de cette confrontation.

Expropriation, discrimination, séparation

Avant 1948, Akka avait une population de 15 000 personnes, parmi lesquelles on ne comptait que quelques centaines de juifs. La plupart des habitants résidaient dans la vieille ville et une minorité dans la ville moderne établie en dehors des murs de la Vieille Ville.

Pendant la guerre de 1948, la majorité des habitants palestiniens de la ville furent expulsés jusqu’à ce que la vieille ville, à la fin de la guerre, n’abrite plus que 3000 Palestiniens entassés, dont une grande partie de réfugiés des villages palestiniens rayés de la carte. Par la suite, des immigrants juifs orientaux (Mizrahim) se sont petit à petit installés à Acre, de sorte que dans les années 1960 la population palestinienne ne représentait plus qu’un quart des habitants.

Acre était, et reste toujours, une ville pauvre. Depuis les années 1990, nombreux ont été les immigrés de l’ex-URSS à la rejoindre, et parallèlement – vu sa faiblesse économique et l’insuffisance de ses infrastructures – beaucoup de ses plus anciens résidents juifs, ayant trouvé logement et travail ailleurs dans le nord, l’ont quittée. La population palestinienne de la ville a donc peu à peu grandi jusqu’à représenter actuellement 30% des 53 000 habitants de la ville.

Ces résidents palestiniens ont perdu leurs biens au profit du « Gardien des biens des absents », institution gouvernementale contrôlant les biens des réfugiés.3 Cette institution détient 85 % des biens immobiliers, tandis que 10 % sont détenus par des institutions religieuses musulmanes et chrétiennes et seulement 5 % par des propriétaires privés.

Comme dans les autres villes palestiniennes – Jaffa, Ramleh, Lydda (Lod) – le Gardien des biens des absents a transféré les maisons palestiniennes (celles des réfugiés ou de ceux et celles qui sont devenus ‘réfugiés de l’intérieur’ – des Palestiniens expulsés de leurs villes d’origine mais qui vivent en Israël) à la société immobilière gouvernementale Amidar. Les habitants palestiniens de la vieille ville ne sont pas propriétaires dans leur ville. La plupart d’entre eux louent leurs propres maisons à la société gouvernementale qui se trouve entre les mains des politiciens proches au régime, et vivent sous leur contrôle permanent.

vieille ville

En 1967, le gouvernement israélien avait fondé la « Société pour le développement de la vieille ville d’Acre ». Cette société s’était fait confier le projet de transformation de la vieille Acre tout entière en site touristique ; la ville était censée devenir un «musée vivant». Cette entreprise visait à vider la vieillie ville de ses habitants arabes afin d’en faire un ensemble touristique restauré, démarche similaire à celle de la « Société pour le développement de la vieille Jaffa », qui, en effet, avait réussi dans les années 1960 à transformer l’ancien quartier de Jaffa, après l’avoir vidé de ses résidents, en une « colonie d’artistes » proches du gouvernement.4

Selon cette société, les habitants pauvres de la vieille Acra représentent un obstacle à la transformation du quartier en centre touristique. La négligence de la ville et de ses infrastructures ainsi que les lourdes restrictions infligées aux résidents sur le plan des constructions et travaux ont pour but d’y rendre leur vie insupportable. Dans les années 1970, un tiers environ des appartements de la vieille ville fut diagnostiqué insalubre, et la Société pour le développement d’Acre tâcha de pousser les familles palestiniennes à quitter la ville pour migrer vers Makr, un village Palestinien proche.5

Cependant, de nombreuses familles ayant effectivement quitté Akka retournèrent dans leur ville, qui resta malgré tout «mixte» et qui, comme les autres villes de ce type, continua à souffrir de pauvreté, de misère et d’une politique systématique de discrimination. Les plans pour créer une telle ville sur des terres confisquées ont été récemment ranimés par les autorités.6

« Coloniser les esprits » : de la Cisjordanie à l'intérieur d’Israël

Acre est la cible principale d’attaques de colons venant des territoires occupés visant à propager la colonisation dans Israël et « judaïser » la société israélienne.

קנה מאחיך

«Juif, achetez de votre frère!»

Leurs actions sont centrées sur les villes mixtes, et le schéma d’action est déjà bien connu : achat de propriétés et installation organisée dans les quartiers arabes avec le soutien massif des institutions gouvernementales, puis actions de renforcement du « caractère juif » de la ville colonisée. Commencent alors une série de provocations contre les habitants palestiniens dans le but de détruire le tissu vulnérable de la vie en commun – pour peu qu’il en reste quelque chose. Les colons situés dans les villes mixtes en connaissent bien les difficultés sociales et les utilisent à leur profit : vu la dégradation du niveau de vie dans la société israélienne et l’émiettement des services publics, ils offrent de l’aide matérielle, des dons, et occupent ainsi l’espace laissé vide dans les quartiers pauvres tout en achetant les cœurs des gens et en gagnant du pouvoir. Cette mission pour le « renforcement de l’identité juive » mène toujours à une dégradation progressive des relations avec les habitants palestiniens, de sorte que chaque affrontement, exactement comme au-delà de la ligne verte, sert de prétexte pour l’élargissement des colonies et l’attribution de propriétés supplémentaires.

Les pionniers de la colonisation organisée à Acre étaient des membres du noyau militaire toranique Ometz (« Courage »), un groupe de colons installés à l’est de la ville depuis 1997. A leur tête un ancien membre de Shavei Hevron (« ceux qui reviennent à Hébron ») – une Yéchiva de colons fondée au cœur d’Hébron en 1982 et qui y a occupé l’école arabe pour jeunes filles (« Beit Romano »), située dans la vieille ville de Hébron. D’autres colons venus des collines au sud d’Hébron les ont rejoints.

Leur arrivée avait pour but, selon la déclaration du chef du noyau, de remédier au départ des familles juives d’Acre, phénomène qui affaiblissait le « caractère juif et sioniste» de la ville. Associé à la fondation de ce groupe, on retrouve le rabbin Shlomo Eliyahu, rabbin raciste de Safed, devenu célèbre pour avoir appelé les juifs à ne pas louer leurs appartements aux Arabes de la ville.7 Le rabbin d’Acre, Yosef Yashar, n’en est pas éloigné dans l’esprit. Dans une interview journalistique de 2003 il a affirmé que « les arabes nous conquièrent tout simplement », en d’autres termes, ils achètent des appartements. De plus, il n’a pas hésité à menacer : « Nous perdons toute la Galilée occidentale. Ils arrivent des villages et entrent dans les villes, y compris à Haïfa. »

A l’époque, le rabbin avait encore des scrupules à dire tout haut tout ce qu’il pensait. Quand un journaliste de droite lui dit : « Mais on ne peut pas dire à ceux qui veulent acheter un appartement de ne pas le faire parce qu’ils sont arabes… Une telle affirmation serait directement qualifiée de raciste », il répondit :

« A cause de ces valeurs-là et à cause de notre peur de dire les choses publiquement et clairement, nous allons le payer cher. L'occupation arabe est le vrai problème. La violence de la jeunesse arabe, elle, on peut la gérer. »8

Les membres du groupe colonisateur avaient identifié les difficultés économiques de la ville : Acre souffre d’un taux de chômage élevé et la moitié des employés qui y habitent ne gagnent pas plus que le salaire minimum. Ils prirent donc l’initiative de distribuer de la nourriture dans les quartiers et gagnèrent popularité et soutien parmi les habitants juifs pauvres de la ville. Basés dans une zone entourée de barrières dans un quartier de l’Est, ils animent des programmes éducatifs scolaires pour le « renforcement de l’identité juive ».

ח'אןruach

Le second noyau de colons, établi en 2003, est constitué des membres de Yéchiva militaire Ruach Tzfonit (« Vent du Nord »), et s’est installé au quartier Wolfsohn, dont la quasi-totalité des habitants sont arabes.

רוח צפונית

Yéchiva militaire Ruach Tzfonit, Acre

Les quelque 200 jeunes engagés dans cette unité liant service militaire et études talmudiques se promènent armés dans le quartier. Le rabbin de cette Yéchiva, Yossi Stern, vient de la colonie Alon Moreh. Selon le discours des membres de la Yéchiva, Acre est historiquement une ville juive et leur tache est de rétablir son caractère juif et sioniste. La coexistence entre juifs et Arabes « n’est qu’un slogan », a déclaré Stern.9 « Pour habiter et coloniser la terre d’Israël, on doit d’abord 'coloniser les esprits' ».10

C’est pour cela que lui et ses hommes s’évertuent à «Judaïser» la société juive, que se soit par un travail missionnaire au sein de la communauté ou par une lutte contre les habitants arabes, qui représentent une «menace démographique». Les habitants palestiniens d’Acre témoignent : des colons avec des kippoth crochetées se baladent armés dans les rues et terrorisent leur voisinage. Le site internet du mouvement Bnei Akiva, auquel la yéchiva est affiliée, confirme que c’est précisément leur but : « Les jeunes hommes de la yéchiva expriment la force, la confiance et l’assurance concernant le futur juif de la ville » ; ils renforcent la « garde civile » et guident le « parcours juif » dans la ville historique – une visite guidée qui ignore l’histoire palestinienne de la ville ainsi que toute trace musulmane et propose une visite historique purement juive au centre de la ville.

Octobre 2008 : L’expulsion ignorée

זוג בביתו שנשרף

Dans l'appartement brûlé, octobre 2008

En octobre 2008, les tensions à Acre explosent. Suite à un incident entre voisins le jour du Kippour, des colons et des militants de droite ont embrasé les esprits, incitant à la violence contre les habitants arabes de la ville. Ce qui s’est passé par la suite ne peut être considéré autrement que comme un pogrome11 organisé auquel des milliers de personnes prirent part. Les confrontations se sont déroulées dans la partie moderne de la ville d’Acre – le quartier Est et le quartier Wolfsohn. Dans les quartiers du nord, dans lesquels les Palestiniens sont peu nombreux, les émeutiers se sont rassemblés dans les rues en scandant « mort aux Arabes » et se sont attaqués aux maisons occupées par des familles palestiniennes afin de les faire fuir.

עכו, ,תושבים, אוקטובר 2008; צילום: אורן זיו\אקטיסטילס

Quatorze appartements de familles palestiniennes ont été attaqués, certains ont été incendiés et leurs habitants furent obligés de prendre la fuite. L’encre a coulé au sujet des événements à Acre. Cependant, la profondeur de leurs conséquences est passée sous silence: l’évacuation temporaire des familles s’est transformée en expulsion durable. Les quatorze familles qui ont dû fuir et qui essayaient de regagner leurs maisons ne pouvaient pas le faire; la police refusait de garantir leur protection, la mairie s’est déresponsabilisée et leur a proposé d’autres solutions de logement en dehors du quartier. Aux familles qui possédaient des maisons on proposait de petits appartements, aux familles qui occupaient des logements sociaux on proposait de petits appartements non meublés. La majorité des expulsés ont cédé et peu de familles ont essayé de regagner leurs maisons.

Johayna Saifi, militante sociale d’Acre, décrit l’accompagnement d’une famille expulsée qui insistait pour rentrer chez elle malgré le refus de la police de garantir leur sécurité. Voici son témoignage sur leur arrivée dans le petit appartement familial, un logement social:

« On arrive, et dans la cage d’escalier, on croise deux couples juifs qui habitent dans des logements sociaux surpeuplés. Ils nous racontent que l’entreprise d’Amidar (l’entreprise publique des logements sociaux) les a envoyés visiter cet appartement vidé de ses occupants arabes.

« On vit dans des logements sociaux depuis des années, ont-ils raconté, on occupe un appartement surpeuplé en attendant notre tour d’entrer dans un appartement libéré. On est sur une liste d’attente mais on a peu de chances. Il y a une pénurie de logements sociaux. Juste à l’instant, quelqu’un d’Amidar nous a appelés pour nous proposer de visiter cet appartement.»

Johayna continue :

« Un des deux couples est tout de suite parti, ils ne voulaient pas visiter l’appartement. L’autre couple, qui vit une situation économique très dure, a demandé s’ils pouvaient monter juste pour le voir. Et c’est ainsi que les choses se sont passées : nous – les militants, avec la famille expulsée et le couple – montons tous dans le petit ascenseur pendant que le couple nous parle de leurs enfants. Sur les murs de l’ascenseur il était gravé « Mort aux arabes ». On essaye tous d’ignorer, de s’extraire à la situation dans laquelle nous sommes pris. On arrive à l’appartement et les voisins nous entourent. Tout le monde se regarde. La femme palestinienne qu’on a accompagnée ouvre la porte avec des mains tremblantes, puis elle dit au couple : 'Je ne veux pas que vous entriez chez nous.'

On a réussi à aider la famille palestinienne à rester chez elle, mais ils n’ont pas tenu longtemps dans le quartier et finalement ils sont partis. Seulement trois familles arabes sont restées dans le quartier. »

Gentrification et expropriation

En parallèle aux colons poussés par l’idéologie et favorisant un agenda clairement nationaliste et antiarabe, la vieille ville vit un autre processus modificateur, celui de la gentrification. Le maire, Shimon Lankri, promeut ouvertement ce processus : tout comme d’autres maires en Israël, il est convaincu que la solution à la détresse des pauvres se trouve dans leur remplacement, dans l’arrivée d’une « population forte ». Il investit donc le peu de moyens que la ville possède dans le développement d’une promenade dans la vieille Acre et essaie d’attirer les investisseurs afin qu’ils développent le tourisme dans la ville. Sous sa direction, un terrain de tennis de 13 courts a été construit dans la partie pauvre d’Acre.

Ces nouvelles infrastructures ne sont pas destinées aux réels habitants de la ville, ceux et celles qui y vivent, juifs ou arabes ; elles sont destinées aux habitants à venir – s’ils viennent un jour. Entre-temps, les dispositifs de l’assistance sociale font la sourde oreille quant aux besoins des habitants. Un mot d’ordre aurait été donné dans leurs rangs : n’offrir qu’un service minimal, « laisser les gens sécher sur pied », pour que, désespérés, ils aillent se chercher une place dans d’autres villes.

בית בשכונת אנשי צבא הקבע

Le quartier des militaires Neot Yam

De l’autre côté, la mairie d’Acre est fière de son nouveau quartier, dont la construction a commencé en 2006 – un quartier clôturé, des villas privées à terrains rattachés et destinées aux soldats de l’armée de métier et leurs familles.12 En s’y promenant, on oublie que l’on est à Acre. Le quartier a été construit avec l’aide conséquente de l’Etat. Les gens de l’armée ont bénéficié d’énormes réductions de taxes contre une promesse de leur part de ne pas vendre la maison durant les cinq années qui suivent l’achat, pour « renforcer la ville par un public de qualité ». Le maire a surnommé les nouveaux résidents des « pionniers ».

מחסום בכניסה

Yéchiva « Vent du Nort », le barrage et le quartier des militaires


Le quartier des militaires à Acre est un exemple explicatif de la manière dont expropriation nationale et gentrification s’entrecroisent en Israël. Les habitants du quartier ont construit, de leur propre initiative et sans autorisation, des barrages électriques à l’entrée de leur quartier et un réseau de caméras de surveillance. Selon eux, ce sont là des mesures de sécurité. Le maire a soutenu leurs efforts en attribuant au quartier des « caractéristiques spéciales » en tant que « quartier militaire ».

Néanmoins, le comité local d’urbanisme et de construction a refusé en janvier 2010 l’approbation de ces dispositifs, mais a dû céder aux pressions quelques mois plus tard. En Israël, une communauté close porte une couleur bien précise : le kaki.

Pendant que le quartier clôturé des militaires de l’armée régulière se construisait dans la nouvelle ville, dans la vieille ville se développait un processus de gentrification à l’initiative de la société publique Amidar – qui loue des propriétés palestiniennes (appartenant aux réfugiés) aux habitants palestiniens. Amidar utilise des tactiques déjà bien connues dans d’autres villes : elle s’adresse aux habitants qui sont pour la plupart en état de crise financière, exigeant qu’ils règlent leur situation et lui payent une dette qui s’accumule, d’après elle, depuis des années. S’ils en sont incapables, ils perdent leurs droits ainsi que leurs appartements.

Une autre stratégie consiste à initier des travaux de restauration historique exacte des maisons anciennes avec des sommes immenses à l’appui, avant de présenter la facture aux résidents, qui sont clairement incapables de la payer. Ainsi, les initiatives de sauvetage de la vieille ville, la restauration des immeubles, deviennent un couteau à double tranchant qui se retourne contre les habitants. Dans d’autres cas, des palestiniens propriétaires d’appartements, qui ne louent pas leur appartement à Amidar, sont sommés de prouver, après avoir vécu plus de soixante ans à Acre, qu'ils étaient dans la ville le 15 mai 1948. Autrement, ils sont considérés comme réfugiés pour lesquels la Loi sur la propriété des absents de 1950 est appliquée, et ils risquent ainsi de se voir expropriés de leurs propres appartements.

איילים, העיר העתיקה

A gauche – une maison restaurée pour les étudiants-pionniers; à droite – une maison arabe


Parallèlement, la Société pour le développement de la vieille Acre encourage la judaïsation de la vieille ville. Elle publie des appels d’offres auxquels les habitants arabes de la vieille ville (dont ceux qui reçoivent les allocations de la sécurité sociale nationale sont estimés être 40 %) n'ont aucune chance de répondre. En même temps, un nombre inconnu de maisons ont été transmises à l’association « Ayalim », qui construit des « villages universitaires » exclusivement pour juifs et qui déclare ouvertement son objectif de promouvoir une implantation juive. Il suffit de se promener dans les rues de la vieille ville pour observer l'écart démesuré entre les maisons de l’association Ayalim, refaites à neuf, et les maisons des habitants palestiniens qui les entourent.

Des dizaines d’appartements et bâtiments arabes, ainsi que certains palais historiques, sont passés d’une main à l’autre, loin des regards du public. Le directeur général de la Société pour le développement de la vieille Akka a reconnu: « Nous avons transmis des propriétés aux mains de l’Agence Juive, qui est dispensée des appels d’offre, et l’Agence les a transmises, entre autres, à des associations comme Ayalim. »

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Dans la vieille ville : En haut - la nouvelle hôtel-boutique; en bas – les appartements palestiniens

Les démarches de la société gouvernementale correspondent bien aux actions des entrepreneurs privés. Ainsi, Uri Yermias, propriétaire d’un restaurant renommé de poissons à Acre, a acheté plusieurs maisons dans la vieille ville et il y construit des hôtels-boutiques. Il a acheté un immeuble à l’Autorité de développement – l’organisme qui détient les « propriétés des absents » – les maisons des réfugiés palestiniens. La conception d’Acre comme « musée vivant », où l’on peut observer des indigènes venus d’une autre époque, n’a guère disparu :

« L’authenticité de la maison et le contraste entre la rue et l’historique Maison Shoukri, qui deviendra un hôtel-boutique, raconte-il, se trouve dans le fait qu’elle est comme elle était il y a cent ans, deux cents ans… Les mêmes femmes pèlent de l'ail à l'entrée des maisons, les enfants jouent au même ballon. »

Le couronnement : l'héritage historique à vendre


ח'אן אלעמדאן

Mais, pour l’instant, la cerise sur le gâteau de la gentrification publique-privée est la vente du Khan al-Umdan, l’une des monuments historiques les plus importantes d’Acre. En 2008, la Société pour le développement de la vieille Akka l’a transférée à un entrepreneur juif d’Angleterre pour qu’il la modifie elle aussi en hôtel-boutique. L’avis des habitants d’Acre n’a pas été pas demandé. La Société a ignoré la contestation des militants sociaux palestiniens. Maintenant, les habitants des maisons adjacentes appréhendent le sort de leurs maisons. Et pour cause : la Société pour le développement de la vieille Acre prévoit de vendre aussi Khan al-Shuna pour le transformer en hôtel. Le secrétaire de la Société a expliqué que là-bas « on peut construire deux étages supplémentaires, mais il faut évacuer des résidents ».

De son côté, le maire encourage la construction d'un « quartier des artistes » au bord de la mer, tandis que l’administration foncière israélienne a déposé un plan de transformation de la vieille ville d’Acre en site de tourisme destiné aux « populations fortes » ainsi qu’un plan de construction d’unités d’habitation qui seraient mises en vente pour les gens n’habitant pas la ville (Américains, Français...). De beaux appartements au bord de la mer, que personne d’Acre ne pourra s’acheter...

Les habitants de la vieille ville, s’ils arrivent à s’y accrocher, sont censés exister dans Acre la ville imaginaire, la ville nouvelle, comme les habitants de ce musée vivant que les gouvernements d’Israël s’étaient imaginé dans les années soixante du siècle précédent.


Read: Acre - Updates and Urgent Alert

  • A New Jews-Only Neighborhood in Acre? (28.3.2012)
  • Now: Historic Acre for Sale (1.4.2012)


[1]Programme spécifique de l'armée israélienne permettant de marier des études religieuses avec le service militaire.
[2]Yinon ben-Yaakov, « Il n’y a pas de honte à dire qu’il faut judaïser la Galilée » : http://www.srugim.co.il, 1.7.2011 [Hébreu]; version française partielle: http://www.juif.org/go-news-154763.php.
[3]La loi israélienne sur les biens des absents (1950), a permis l’acquisition massive de terres palestiniennes laissées vacantes par les réfugiés palestiniens. Dans le cadre de cette loi des vastes étendues de terres ont été placées sous la garde du gouvernement israélien, qui à son tour a transféré la propriété à des organes du mouvement sioniste (comme le KKL/JNF) ou à l’Autorité du Développement étatique.
[4]Voire Daniel Monterescu, « The Bridled Bride of Palestine: Orientalism, Zionism, and the Troubled Urban Imagination », Identities: Global Studies in Culture and Power 16 (2009), 643–677.
[5]Sur ces plans, voire Joseph Algazy, « Attorney Hanna Naqara Unveils the New Project for Confiscating the Land of Arabs in Israel », Zo Ha-Derekh, 1.10.1975.
[6]The Arab Center for Alternative Planning Organizes Meeting Regarding Tantoor Plan, 4.8.2010.
[7]Eli Ashkenazi, « Safed rabbi says struggle to keep the city Jewish moving forward», Haaretz, 8.4.2011 ; voire également : Yair Ettinger, « Editorial calling for death camps for 'Amalekites' raises storm among religious », Haaretz 23.1.2011.
[8]Shimon Cohen, « Le droit de retour à Acre», Be-Sheva, 31.7.2003 [Hébreu].
[9]Amiad Taub, « Stern : Les émeutes sont un moment critique dans la lutte pour Eretz Israël», datili.co.il, 12.10.2008.
[10]Stern, « Lettre aux étudiants», Yeshivat Hesder Akko [Hébreu].
[11]Voire Ala Hlehel, «Report on Violent Events in Akka (Acre) during October 2008», www.Adalah.org.
[12]Cf. Ido Efrati, « A Residential Neighborhood for the Standing Army », Maariv, 29.10.2008 [Hébreu] ; Arik Mirovsky, « All’s good on the Home Front : Career and Veteran Soldiers Living in the Area Boost Real Estate Values » Haaretz, 7.11.2005.