En Israël – une société qui s'enferme et s'isole tout en écrasant son entourage, qui met ses habitants en danger et tourne ses opprimés les uns contre les autres – il est extrêmement difficile de s'unir afin de lutter contre l'ordre établi. Les élites dominantes ont réussi à surmonter des moments de crise et à accroître leur pouvoir en formant une structure sociale basée sur la division et la désolidarisation des opprimés et des dominés. Face à l’offensive contre leurs droits et la délégitimisation de leurs revendications, les cibles de cette politique d’État ont tendance à s'enfermer, à baisser la tête en attendant que l’orage passe, tout en essayant de survivre, de s'arranger... Au plus, les exploités essayent de limiter les atteintes directes qu'ils subissent en organisant des luttes ciblées, dissociées les unes des autres. Souvent on essaie de s’emparer de l’attention particulière de la part des dominants en se démarquant des autres exploités, surtout de ceux qui sont encore plus faibles. Cela fait partie de la logique du « diviser pour mieux régner »: division et désolidarisation des opprimés qui sont à la base de la société et de la politique israélienne.

Et ici, en France, qu’en est-il ?

Tarabut-Hithabrut est un mouvement social et politique arabe-juif qui s'occupe des problèmes les plus brûlants en Israël liés à la division des politiques israéliennes d'oppositions entre, d'une part, les luttes contre l'occupation et, d'autre part, les luttes contres les inégalités et pour la justice sociale à l'intérieur du pays.

Ses membres viennent de différents contextes : des militants de longue date contre l'occupation, des militants impliqués dans des projets contre les inégalités d'accès à l'éducation, des palestiniens (citoyens de l'état) engagés dans des campagnes pour l'égalité des droits de la minorité arabe en Israël, des militants de longue date contre l'exploitation et la discrimination des juifs orientaux et contre la délégitimisation de la culture arabe, des jeunes « refuseniks » (forme israélienne de l’objection de conscience), des féministes engagées dans des campagnes locales pour les droits des femmes, des étudiants engagés dans la défense de l'éducation supérieure publique contre sa privatisation sauvage, etc...

Au sein de Tarabut-Hithabrut, nous avons tous senti que le militantisme nécessite une vision large et doit se baser sur une analyse concrète des liens entre les différentes formes d'inégalités – par exemple, entre l'extension des colonies en Cisjordanie et la privatisation qui s'étend à l'intérieur de l'état, qui a incorporé des dizaines de milliers parmi les plus pauvres dans le processus colonial en Cisjordanie, en leur faisant profiter des subventions gouvernementales pour l’installation dans les colonies urbaines.

Tarabut-Hithabrut essaie de bâtir un contexte non dogmatique pour penser la pratique et promouvoir la solidarité afin de forger des alliances qui rassemblent les dépossédés et les opprimés à travers un engagement dans les luttes sociales.

D'où le nom: «rassembler», «associer» en arabe et hébreu. Les coalitions peuvent difficilement résister aux pressions énormes et au racisme quotidien dans la société. Nous cherchons à rassembler des personnes, et pas des organisations, pour penser et réfléchir ensemble sans certitudes dogmatiques et pour travailler au changement social et politique.

Tarabut-Hithabrut s'est formé en octobre 2006 à la suite de la campagne contre la guerre au Liban et compte plusieurs centaines de membres actifs. Le mouvement a déjà été actif dans plusieurs luttes :

  • La campagne contre la dépossession des citoyens Bédouins du Negev/Naqab, spécialement les habitants du village non-reconnu de Al-Arakib, détruit 30 fois par les autorités (2010-2011)
  • La campagne contre l’éviction des habitants Palestiniens du village de Dahmash, situé entre Lod et Ramla (2010-2011)
  • La mobilisation contre l’éviction de familles entières de projets de logements sociaux et pour le développement de ces logements (2011)
  • L’action pour une alliance entre les forces de gauche en Israël et dans les territoires occupés, ayant culminée par la conférence historique réunissant les gauches de deux côtés sur la ligne verte (2011)
  • La grève générale des étudiants des universités israéliennes contre la privatisation de l’enseignement supérieur (2007-2008)
  • La campagne contre l'éviction et la dépossession des habitants pauvres des quartiers populaires de Tel-Aviv au profit des intérêts immobiliers, ainsi que celle des résidents arabes de Jaffa qui se sont trouvés face à la gentrification liée à la fois à la «boboïsation», et à la judaïsation de la ville (2007-2011)
  • Des luttes sur des lieux de travail pour la reconnaissance de syndicats locaux dans des branches professionels non organisées
  • L'organisation de manifestations contre la guerre à Gaza (décembre 2008)
  • La campagne contre l'expulsion des travailleurs migrants et des réfugiés (été 2009)
  • L'action contre le « Plan gouvernemental Wisconsin » visant à l’humiliation des chômeurs et la négation de leurs droits (2008-2010).
 

Actuellement, Tarabut-Hithabrut joue un rôle clef dans le mouvement de protestation sociale, dite « la manifestation des tentes », cherchant à l'orienter vers les besoins des groupes israéliens périphériques et marginalisés, à concentrer l’attention sur les besoins en logements sociaux, en insistant sur l'importance de prendre en considération les demandes des citoyens palestiniens discriminés et sur la nécessité de développer une démocratie radicalement plus profonde en Israël.

En même temps Tarabut a cherché à apporter des idées et analyses nouvelles dans le débat publique: nous avons pressé la gauche israélienne de soutenir la revendication de la minorité arabe-palestinienne pour une pleine égalité – y compris la reconnaissance de ses droits collectifs - et de comprendre que la démocratisation de la société israélienne, demandée par les représentants de cette minorité, est dans l'intérêt de tous les groupes non-privilégiés en Israël. Sans renoncer au but d’un retrait total d’Israël des territoires occupés et à la création d’un vrai état palestinien indépendant. Tarabut-Hithabrut soutien la volonté de faire d’Israël un État juif-arabe garantissant la totale égalité de ses deux peuples.

 

Lire la brochure: Tarabut - Textes d’ici et là-bas pour échanger (2011):