Au centre d'Israël, entre le ville de Lod (Lydda) et celle de Ramle (Ramla), plusieurs centaines de citoyens arabes d'Israël vivent dans un village non reconnu, Dahmach.

Officiellement, l'endroit n'existe pas: pas d'électricité, pas de service de santé, pas d'éducation, pas d'évacuation d'ordures, pas d'égouts, pas de planning urbain. Il vit sous une menace permanente de démolition et d'éviction. Il est clair que les autorités souhaitent leur départ. Ici comme ailleurs, la discrimination ethnique se combine avec les perspectives de profits très élevés pour les promoteurs immobiliers. Depuis janvier 2010, la démolition paraît imminente. Le colonialisme de l'intérieur ne fait pas encore partie de l'histoire en Israël; c'est une réalité à laquelle ses propres citoyens arabes doivent faire face.

Une tente de protestation a été construite à l'entrée du village et un groupe de femmes y maintiennent un groupe qui proteste quotidiennement, afin de sauver leurs foyers. Des activistes de Tarabut ont résolu de soutenir leur cause: arrêter les démolitions et travailler dur pour que le village de Dahmach soit reconnu.

Les résidents de Dahmach sont propriétaires de leur terre. Certaines des familles sont arrivées en 1951 après avoir reçu la terre en "compensation" de leurs terres perdues dans la guerre de 1948. La surface de la terre reçue a été calculée sur la base de 15% de la terre d'origine, ce qui était le "taux de compensation" courant à cette époque. L'origine des familles est diverse: la famille Abu-Kishk, par exemple, vient de la région de Ra'anana; la famille Isma'il vient du village Palestinien qui n’existe plus de Qatarah (près de Gadéra). La famille Sha'aban vient de Bissan (l'actuel Beit Shean), et d'autres familles sont venues du Neguev, au Sud d'Israël – des Bédouins qui avaient perdu la majorité de leurs terres après 1948. D'autres familles ont acheté leurs maisons auprès de personnes restées à Ramle après la guerre de 1948.

La terre a été inscrite au cadastre comme "terre agricole", ce qui signifie que seules des petites constructions agricoles peuvent y être construites. Il existe, cependant, des maisons qui ont été attribuées aux familles. Plus tard, des familles de la ville voisine de Ramla ont été replacées dans la zone du village en raison d'une sévère pénurie de logement.

Avec la municipalité, le village vit sous une sorte de régime de Statu Quo: les résidents n'ont pas exigé d'obtenir les services qui leurs étaient dus, et la municipalité, en retour, a laissé les résidents tranquille. A ce jour, Dahmach n'a reçu aucun des services municipaux normaux. Dans le Registre de la Population, la véritable adresse des résidents, Dahmach, n'est pas mentionné. Ils sont invisibles, l'une des nombreuses zones de peuplement palestinien non reconnus en Israël.

Pour que leurs enfants puissent aller à l'école, les résidents ont du les inscrire à Ramel, et supporter et combattre (avec succès) plusieurs décisions de la municipalité d'exclure leurs enfants du système éducatif. La raison officiellement invoqué: le village ne fait pas partie de la municipalité de Ramle. En effet, la zone a été artificiellement exclue de Ramle et rattaché au Conseil Régional de Emek Lod, voisin. Un an avant cette décision, la Cour Suprême d'Israël avait renversé une décision de la municipalité de Ramle de mettre fin au transport scolaire pour les enfants de Dahmach.

Au fil des ans, les nombreuses tentatives faites par les résidents pour changer le statut agricole de leurs terres n'ont jamais pu aboutir. Tout autour, pourtant, des surfaces de terre importante ont été rendues disponibles pour la construction de logement (tout récemment, Joël Lavie, maire de Ramle, a réussi à "dégeler" 14 hectares de terres jouxtant Dahmach), les municipalités n'ont jamais accepté de mettre en œuvre les procédures pour autoriser le développement de logement et légaliser les maisons existantes. La construction a continué tout autour, cependant, et de grands projets ont été construits sur des zones enregistrés comme agricoles; certains des entrepreneurs les plus importants d'Israël ont bâti leur fortune en construisant dans la zone. On pensera aux combines obscures de David Appel, ex-protégé d'Ariel Sharon, lequel serait intervenu en sa faveur pour favoriser ses affaires dans la zone de Ramle-Lod. Les résidents de Dahmach soupçonnent que beaucoup des grands projets de construction à profits élevés sont derrière les tentatives pour les expulser de leur village.

Jusqu'en 1984, le statut de Dahmach était déterminé le programme R6 du Maître Plan de la Région. Ce qui autorisait un développement limité des logements, sous un statut de terre agricole. Ce statut a été redéfini en 1984. Le terrain est désormais "déclaré terrain agricole pure", statut plus stricte qui interdit tout construction ou agrandissement de logement. (Incidemment, la distribution d'eau au visage a été interrompue il y a quelques années, ce qui rend impossible toute activité agricole).

Nir Tzvi, un village juif voisin a aussi été défini par le programme R6, mais sans changement. Nir Tzvi est devenu une zone résidentielle prospère, bien entretenue, qui recrute dans les classes moyennes et supérieures. Pour se séparer du pauvre quartier arabe d'à côté, les résidents ont construit un mur en 2003.

Pendant des années, les résidents de Dahmash ont essayé de modifier la définition de leur terre pour accroître leurs possibilités de logement. Ils ont préparé un plan détaillé, avec l'aide du Centre Arabe de Planning Alternatif, mais le Comité de Planning et de Construction du District n'a jamais débattu de ce plan. Les résidents se sont adressés à toutes les institutions judicaires et gouvernementales possibles pour que le Comité de Planning – qui est sous l'autorité du gouvernement – évoque leur cas. En vain. Les résidents de Dahmash vivent sous l'épée de Damoclès de la destruction.

En janvier 2008, une cour israélienne a suspendu les ordres de démolition émises par le Conseil jusqu'à ce qu'une solution alternative puisse être trouvée. En réponse à une requête des résidents, la juge Sarah Dotan a disposé que les ordres de démolition soient suspendus en attendant la mise en œuvre du plan de développement proposé. La juge a soutenu que "la définition des terres du village comme 'terrain agricole' n'était pas un décret divin et pouvait être modifiée". Cette décision a nourri les espoirs de justice des résidents de Dahmach et des nombreux citoyens israéliens qui soutiennent leur cause.

Deux ans plus tard, le Comité de Planning et de Construction n'a toujours pas débattu du plan de développement, comme l'a demandé la juge. En janvier 2010, le Conseil Régional a ignoré la décision de la court de justice et à listé 13 maisons comme destinées à la démolition. Des officiels de l'armée et de la police, accompagnés du représentant du Conseil, se sont rendus au village pour préparer l'exécution de cet ordre.

Telle est la situation des résidents de Dahmach. Depuis janvier, grâce à des protestations conjointes de juifs et d'arabes, ils ont pu gagner un temps précieux, retardé la mise en œuvre des ordres de démolition, et ils ont obtenu que le Comité de Planning et de Construction débatte du plan qu'ils ont soumis. Mais nous ne pouvons pas encore être optimistes.